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Voie Lactée - Légende d'Asie

Le Bouvier et la Tisserande

L'Empereur Céleste avait sept filles intelligentes et habiles. Zhi Nü, la plus jeune était la plus gentille et la plus travailleuse. Experte en tissage, on l'appelait la Tisserande.

Les sept princesses n’avaient pas le droit de descendre sur la Terre. Zhi Nü, se contentait donc de regarder les humains dans toutes leurs activités par les fenêtres de son palais. Un soir de pleine lune ses sœurs entrèrent en riant dans sa chambre : « Nous avons confectionné des vêtements avec des plumes de cygne. Ce soir, c’est pleine Lune. Nous allons visiter la Terre. Ne fais pas de bruit pour ne pas éveiller la colère de notre Père !»

  

Près de la rivière vivait un jeune orphelin qui faisait paître les bœufs dans la vallée. Prénommé Niu Lang, tout le monde l'appelait le bouvier (*). Il avait alors plus de 20 ans et travaillait tous les jours du matin au soir. Sa solitude et sa peine lui avaient attiré la sympathie d'un vieux buffle qui vivait jour et nuit avec lui. Ce vieux buffle pouvait comprendre ses paroles et le bouvier les siennes. Au cours des ans, ils étaient devenus de fidèles compagnons partageant ensemble joies et peines.

 

Ce soir-là, après avoir labouré un lopin de terre, le bouvier mena le vieux buffle au bord de la rivière pour l'abreuver. C'est alors qu'il vit sept étranges oiseaux blancs s’abattre sur les rives et se transformer en filles. Il les vit se dénuder et glisser dans l’eau tiède et jouer joyeusement dans l'eau. Toutes étaient très belles, surtout la plus jeune. Comprenant l'émoi du jeune homme, le buffle lui dit à l'oreille :

 — Va prendre les habits qui se trouvent près du saule, et celle que tu aimes deviendra ta femme.

Le bouvier s'élança et prit les vêtements de la jeune fille près du saule et fit demi-tour. Surprises par l'apparition de cet inconnu, les jeunes filles se rhabillèrent en hâte et s'envolèrent dans le ciel.

Seule resta dans l'eau la jeune Tisserande. Le bouvier lui ayant pris ses habits, elle ne pouvait pas sortir et attendait avec impatience, les joues écarlates.

Quand vit la jeune fille si belle et si pâle, il eut pitié

 — C’est moi qui ai pris votre vêtement de plumes. Je vous prie de me pardonner.

Zhi Nü le regarda. C’était un beau jeune homme. La franchise et l’honnêteté se lisaient sur son visage. Mais surtout, surtout son regard éperdu, comme en adoration, la toucha.

 — Garde mon vêtement et fais en sorte de le cacher et que je ne puisse jamais le retrouver sinon, il arriverait malheur. Maintenant il est juste que je devienne ta femme.

 

Dès lors, le bouvier et la tisserande devinrent un couple inséparable. L'homme labourait et la femme tissait.

Le temps passa. Quelques années après, le bouvier et la tisserande eurent un garçon et une fille.

Mais la nouvelle de la vie terrestre de sa fille parvint enfin aux oreilles de l'Empereur Céleste. Furieux qu'on eût ainsi violé la loi céleste, il envoya aussitôt un rêve au bouvier. Le lendemain matin, Zhi Nü et les enfants dormaient encore quand il se leva. Depuis la naissance des jumeaux, ils étaient tous si heureux qu’il ne semblait plus nécessaire de cacher le manteau de plumes. Le bouvier avait décidé de le lui rendre comme preuve de sa confiance.  

Seul un rêve envoyé par l’Empereur Céleste avait pu faire germer cette idée dans son esprit.

Quand Zhi Nü vit le manteau, elle devint livide et poussa un cri: «Je suis obligée de partir maintenant, je ne puis faire autrement. Adieu!» s’écria-t-elle. Jaillissant des mains du jeune homme les ailes se fixèrent sur les épaules de la jeune femme qui s’envola par la fenêtre ouverte.

 

Tandis que la tisserande retournait au Palais Céleste, le bouvier ne se consolait pas de la perte de sa femme aimée. Portant ses enfants dans deux paniers au bout d'une solide tige de bambou, il partit à sa recherche. Voyant Niu Lang s’approcher du palais, la femme de l’Empereur Céleste déchira la matière de la voûte céleste et y traça un fossé profond, aussitôt empli d’une eau tumultueuse. Désormais, un obstacle infranchissable séparait Zhi Nü de ceux qu’elle aimait. Niu Lang s’installa sur la rive opposée avec le buffle et les enfants sous les yeux de la Tisserande. Ainsi, des deux côtés de la Voie Lactée, le bouvier (l'étoile Altaïr) et la tisserande (l'étoile Véga) se regardèrent de loin, sans pouvoir se réunir. Très affligé, le bouvier ne voulut pas quitter le bord de la rivière. De l'autre côté, la tisserande regardait les vagues impétueuses les larmes aux yeux, refusant de tisser les brocarts célestes.

 

Devant leur résistance, l'Empereur Céleste dut faire des concessions et leur permit de se retrouver une fois par an. Depuis, chaque année, le septième jour du septième mois du calendrier lunaire, les pies célestes forment une passerelle provisoire sur laquelle le bouvier et ses enfants rencontrent la tisserande.

La tristesse de leur séparation émut tout le monde et attira la sympathie de chacun.

 

Depuis, beaucoup de gens restent à veiller dehors, contemplant longuement le ciel et les étoiles Altaïr (le bouvier) et Véga (la tisserande) séparé par la Voie Lactée. 

 

(*) Ne pas confondre le bouvier de ce conte avec la constellation occidentale du Bouvier dont l'étoile principale est Arcturus

Au Japon ce conte est à l'origine de la fête de Tanabata célébré le 7 juillet « La septième nuit du septième mois ». Il s’agit de la fête des étoiles : Véga et Altaïr sont 2 amants séparés par la Voie Lactée, une rivière d’étoiles qui traverse le ciel, et il leur est permis de se rencontrer une fois l’an, la nuit du 7 juillet. 

Pour Tanabata (七夕), on porte un yukata et on écrit des vœux sur des tanzaku (petits papiers colorés) que l’on accroche à des bambous ou des arbres.

On accroche également sur les arbres ou dans les rues, toutes sortes de décorations éphémères, telles que : des lanternes, mais surtout les fukinagashi de Tanabata (serpentins colorés) et des Kusudama (origami en forme de boule) de toutes les couleurs.

Ces décorations sont, entre autre là, pour rappeler les fils de la tisserande du conte qui volent au vent.

 

Une idée de « saisir l’instant présent » tout comme le couple de la légende qui se retrouve dans le ciel étoilé ce soir-là.

 

© Aimaimyi, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons

 

 

Cet article à a été rédigé par le Chasseur PP.

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